3/14/2008 Primeurs de Sicile Cela fait des années qu’on nous dit que le futur du vin italien est au Sud. Cela fait des années que les grands groupes du nord investissent dans les Pouilles et en Sicile, aussi. Au vu des changements climatiques, on pourrait discuter de la pérennité de ce futur. Une chose est sûre, les vins de ces deux régions n’arrêtent pas de nous surprendre. La Sicile, en particulier. Vous connaissez sans doute son Nero d’Avola – et au prix où on le trouve parfois en GD, vous auriez tort de vous priver. Sauf que pour ce cépage comme pour d’autres, le rendement est l’ennemi de la qualité. Mais cette île grande comme la Belgique a plus d’un tour dans son sac, plus d’un style de vin aussi. La Sicile en chiffres La Sicile est la plus vaste région d’Italie, et également la plus peuplée (5,5 millions d’habitants). Elle compte deux grandes métropoles, Palerme, au Nord ouest, et Catane, à l’Est. La surface totale en vignes est de 118.000 ha, dont 64% de raisins blancs. A eux seuls, les producteurs siciliens produisent plus que toutes les régions d'Australie réunies. Compte tenu de cette étendue, mais également des grosses différences climatiques (entre le nord et le sud, entre le littoral et l’intérieur, entre la plaine et les vignobles d’altitude, avec une mention toute spéciale pour l’Etna, véritable île volcanique dans l’île), bref, compte tenu de toutes ces disparités, parler d’une typicité sicilienne est en soi une grosse approximation. Certes, le nero d’avola, en rouge, le grillo, l’inzolia et le catarratto, en blanc, sont présents en maints endroits de l’ile, et forment donc une sorte de leitmotiv. Mais pour ne prendre que l’exemple du nero d’avola (dont les clones sont aujourd’hui assez divers), les différences de style sont énormes. Et puis, il y a aussi le perricone, le frappato et les nerellos, en rouge, qui pour être un peu plus rares, n'en sont pas moins intéressants. Sicilia primeurs Depuis quelques années déjà, la région propose à la presse de déguster ses vins en primeur – et oui, comme le Brunello, le Vino Nobile ou l’Amarone… J'étais de la fête. Outre la dégustation organisée le 8 mars à Marsala, ce fut aussi l’occasion de visiter plusieurs caves dans deux parties parmi les plus prometteuse de l’île : le Sud-Est (Ragusa), qui héberge la seule DOCG de l’île (Cerasuolo di Vittoria) et l’Etna, le terroir des terroirs siciliens. Voici ma moisson de bonnes adresses… Donnafugata -Vigna di Gabri 2006 Ansonica. Un petit côté surmûri, mais pas désagréable. Notes de miel et de coing au nez, bouche bonbon anglais, réglisse, très flatteur. ** Feudo Arancio -Grillo 2007 Le grillo est décidément capable de donner le meilleur comme le plus inexpressif. Ici, nous sommes dans la première catégorie, avec un vin d’une grande richesse ; la nez est sur les fleurs blanches, l’avant-bouche se laisse porter sur ces arômes, puis débarquent les épices (fenougrec, anis, camomille) ; la finale, elle, est tout droite est très minérale. Très beau vin*** Planeta -La Segreta 2007 Le genre de vin qui divise les dégustateurs. Nez expressif de pêche et poire, bouche équilibrée, avec un poil de sucre résiduel, mais surtout, beaucoup d’alcool.*(*) Du même producteur, Cometa 2006 présente un peu les mêmes caractéristiques, mais en plus outré. Le nez est un peu plus plat, et l’alcool grimpe encore (14°), notes de fruits secs. Moi, je ne déteste pas.* Rapitalà -Piano Maltese 2007 Quel joli blanc ! Une aromatique quasi parfaite, qui évoque le citrat, le kumquat et les oranges confites. Bonne longueur en bouche, sur les agrumes mais aussi sur des notes plus végétales (maquis, myrte)**(*) Tasca d’Almerita -Nozze d’Oro 2006: le nom de cette cuvée fait référence à un anniversaire de mariage. Pour nous, c’est d’abord le mariage de très beaux arômes et d’une superbe minéralité. Cet insolia de Sicile est étonnant de fraîcheur, avec sa belle charpente acide, il nous emmène sur les bords de Loire, au pays du sauvignon (amis mûr, tout de même). Très riche, mais ni pâteux ni alcooleux, parfait**** Terre di Giurfo -Sullicenti 2007 Insolia: fleurs, fruits blancs, mangue, minéralité, salinité**(*) -Kudhya 2005 Nero d’avola: fruit superbe, menthol, épices, herbes, belle acidité*** Le cas «Cos» Cette cave en biodynamie utilise des amphores «pour faire respirer le vin sans le dénaturer» - Cos abandonne la barrique, ont encore quelques foudres de Slavonie. Le discours a l’heur de plaire à une certaine presse vineuse. Quand j’ai entendu l’un des deux associés nous prévenir qu’il fallait être préparé, comme dégustateur, à de tels vins nature, j’ai tiqué. Lorsque j’ai bu les vins, j’ai encore plus tiqué. - Le COS Scyri 2002 (Nero d’Avola) évoque le cheval en sueur, le pétrole, le vieux cuir et la fumée, et il est rude en bouche. La volatile est forte, mais ce n'est pas là le plus gênant. Un avis partagé par mon excellent confrère autrichien Helmut Knall. A revoir. -Le Pythos (DOCG Cerasuolo di Vittoria), lui, est beaucoup mieux intégré: cerise, griotte, groseille, eucalyptus, bouche sur l’acidité, tannins très présents, une peu de fumée, manque peut-être un peu de longueur**(*) Valle dell’ Acate -Il Moro 2005: un nero d’avola assez expressif, griottes, framboise, la bouche est tendue, pas mal d’acidité, on finit sur des tannins un peu verts, mais l’ensemble est séduisant.** -Cerasulo di Vittoria 2005: l’ajout de frappato ne cange pas fondamentalement la donne. Le nez reste très plaisant, la bouche, bien que franche et fruitée à l’attaque, finit végétale. Est-ce inhérent au frappato dans ce coin? Ou tout simplement un problème de maturité phénolique ?*(*) -Tané 2004: syrah et Nero d’Avola (fermentés ensemble) font bon ménage dans ce vin puissant, aux tannins souples. 15°, mais bien enrobés. **(*) Paolo Cali -Cerasuolo 2005 Manene : framboise écrasée, exople au nez et en avant bouche, puis arivent les groseilles et le bonbon anglais, l’astringence est mieux fondue dans le fruit, vin de repas***(*) -Violino: Nero d’Avora 100% framboise, fenouil, réglisse, très vif, bonne longueur, du fruit de début à la fin, net, pur, bravo *** -Cerasuolo 2007 (sur fût): extraordinaire équilibre fruit rouge, matière, acidité, longueur, parfait**** Fazio in Erice -DOC Erice Nero d’Avola 2005 : beaucoup de fruit bien mûr (gelée de cerise noire), mais aussi beaucoup d’épices et une bonne acidité pour emballer le tout. Pas énormément de complexité en bouche, mais beaucoup de plaisir**(*). Erice est une petite AOC spécifique pour un terroir original (une montagne en bord de mer, près de Palerme), à suivre... Cottanera -IGT Sicilia Fatagione 2005 (85% Nerello mascalese, 15% nero d’Avola): très fin, vin de classe, assez austère encore, mais gros potentiel, tannins très suaves, et toujours cette jolie salinité, acidité 5,9° ***(*) Petite production, un an de barrique d’Allier. -DOC Etna Rosso Nerello Mascalese et Nerello Capuccio 2005 (un an en barrique): fruits mûrs, humus, cacao, très rond, très harmonieux en bouche*** -Sole di Sesta 2004: 100% syrah, nez très frais de baies rouges et noires, bien épicé en bouche, thym, les 12 mois de barrique passent bien, très très bien *** -Nume 2004: très fin, très fruité, tannins suaves, encore de la fraîcheur, parfait. 85% cabernet sauvignon 15% cabernet franc de bonne maturité (2004 est une superbe année), filtration très légère. *** Montoni Cette cave bénéficie d’un «cru» de nero d’Avola, le Vrucura, enchâssé entre des champs de blé, dont les vignes de plus de 70 ans ont été reproduites année après année par sélection massale, et qui sont à l’abri de toute hybridation. C’est donc sans doute l’expression la plus pure d’un vieux Nero d’Avola d’altitude (la parcelle est située à 700 m environ) -Feudo Montoni Nero d’Avola Selezione Vrucara 2005 : fruit frais (mûre), en bouche, la gelée de groseille le dispute au au cacao, aux herbes du maquis, à la feuille de thé oolong. Un très beau vin, très pur.**(*) Benanti Cette cave de grand renom est située au Sud de l’Etna, dont elle a contribué à remonter la cote. Les vignes sont plantées sur des sols aérés, il s’agit en grosse proportion de pieds francs, l’altitude donne une grosse amplitude thermique favorable aux aromatiques. -Benanti Pietramarina 2004**: ce blanc de cattarrato présente de belles notes fumées et épicées (coriandre). Bonne matière et une finale de revenez-y, légèrement amère. -Benanti Il Monovitigno Minnella 2004, IGT Sicilia cépage minella (téton) : Sous sa robe jaune or légèrement ambrée, ce téton pointe le bout d’un nez de pomme blette, d’anis et de zeste de citron ; en bouche, retour de l’anis et notes oxydatives. Un joli cépage oublié dans le grand corsage sicilien** -Benanti Pietramarina 2003 Carricante Tilleul, feuille de laurier, épices, bonne bouche, longueur, original. 18 mois en inox, 7000 bouteilles produites **(*) -Serra della Contessa DOC Etna Rosso 2000: le nerello mascalese apporte la force et les tannis, le cappuccio l’élégance. Superbe élevage, pas de matraquage. Parfait aujourd’hui, suave, notes élégantes de fruits frais et sous bois. Un grand séducteur.**** -Rovitello 2000: Même assemblage, mais parcelles du nord de l’Etna, sur Castiglione. Sols plus argileux (une partie alluviale), mais altitude plus élevée. Un peu fermé au début, s’ouvre sur des fruits noirs et des herbes du maquis, très jeune encore. Un peu plus serré en bouche, tannins plus rudes aussi, mais l’acidité est bien fondue. Un très beau potentiel de garde.**** -Nerello Mascalese IGT Sicilia 1998 : notes fumées, animales, humus, bouquet déjà plus tertiaire, ce vin séduira la clientèle des vins plus évolués** 14-03-2008, 09:36:18 Hervé Lalau |